Comprendre le néolibéralisme – et s’en libérer

Publié par Bertrand Vaillant le

Autour de : David Cayla, Populisme et néolibéralisme, De Boeck Supérieur, Louvain, 2020.

David Cayla est économiste, professeur à l’Université d’Angers et auteur de L’Économie du réel, ainsi que de La fin de l’Union européenne et 10+1 questions sur l’Union européenne, avec la regrettée Coralie Delaume.

Dans Populisme et néolibéralisme, il montre comment la conception néolibérale d’un État serviteur des marchés concurrentiels provoque l’impuissance politique qui suscite les réactions populistes, mais infuse également en profondeur la pensée même de nombreux économistes qui prétendent combattre le néolibéralisme.

L’intention au cœur de ce livre est à la fois claire et salutaire : il s’agit de revenir aux causes économiques et sociales qui suscitent les mouvements de contestation et les comportements électoraux populistes, pour en dépasser la condamnation morale, mais aussi et surtout l’interprétation par la seule crise des institutions politiques. Si un tel ouvrage est salutaire, dans son contenu et dans ses vertus pédagogiques indéniables, c’est que ces causes économiques et sociales sont largement ignorées des individus tentés par le populisme. C’est pourquoi, victimes d’institutions qui ont sacrifié la démocratie sur l’autel du libre marché, ils se tournent paradoxalement vers des milliardaires, des chefs d’entreprise, et en général vers des leaders charismatiques qui leur promettent tout, sauf la contestation de ce règne des marchés. C’est qu’il ne s’agit pas seulement d’une incompréhension superficielle ou d’un manque d’informations, mais d’une colonisation en profondeur des imaginaires et des intellects par l’idéologie néolibérale : les populistes de droite mais aussi de gauche, et même les économistes et politiques qui se croient critiques du néolibéralisme, s’avèrent incapables d’imaginer un autre monde et de dépasser les dogmes néolibéraux. Ces dogmes, ils ne les comprennent pas notamment parce qu’ils interprètent le néolibéralisme comme un « fondamentalisme de marché » hostile à l’État, alors qu’il se caractérise justement par l’utilisation de toute la puissance de l’État au service du marché. C’est donc à tous ceux qui veulent échapper à ces incompréhensions et à cet état de fausse conscience, particulièrement dans le camp de l’économie hétérodoxe et de la gauche critique, que David Cayla entend apporter une conscience plus claire de ce qu’est le néolibéralisme, de ses effets, et de ce que signifie son dépassement.

1. Les causes économiques du populisme

L’objet de D. Cayla n’est pas de proposer une définition originale du populisme, et il en retient surtout des traits communs mis en évidence par les recherches sur le sujet. Les mouvements populistes sont très divers, parce que le populisme n’est pas une idéologie structurée, mais une réaction à un moment de crise identitaire, économique et sociale qui se traduit dans un rapport « à la pratique et à la conquête du pouvoir » (64). Ses traits distinctifs sont la prétention d’incarner un peuple empêché de s’exprimer, l’hostilité envers les élites ou le « système » censés l’empêcher de s’exprimer, l’attachement à un leader charismatique qui lui permet de s’exprimer sans médiation institutionnelle, et enfin le souverainisme ou le nationalisme, qui identifie le peuple à la nation en danger. Le politologue J.-W. Müller substitue à l’appel au peuple en général l’opposition d’un « vrai peuple » et d’un « faux peuple » : le populisme doit constituer une « communauté de traîtres » incluant les élites mais aussi tous ceux qui sont considérés comme leurs complices, justifiant ainsi leur prétention à représenter la totalité du peuple alors même qu’ils rencontrent une opposition massive. C’est ainsi que Thomas Frank décrit le développement, dans son Kansas natal heurté de plein fouet par la mondialisation, d’une mentalité paranoïaque, associée à une haine tenace pour les célébrités progressistes et les citadins diplômés qui les soutiennent (60-61).

D’innombrables explications des phénomènes populistes récents, qui vont de mouvements sociaux contestataires comme les Gilets jaunes ou le mouvement chilien de 2019 à l’élection de leaders comme Trump ou Viktor Orbán et au Brexit, ont été proposées. Mais elles se contentent trop souvent, pour David Cayla, de pointer les dysfonctionnements de la démocratie libérale (comme le fait Yascha Mounk), ou de relier populisme et accroissement des inégalités économiques sans plus de précision. Or, à la suite de Karl Polanyi, David Cayla souhaite montrer que c’est la création et l’extension du marché libre, permettant la libre circulation des capitaux et des hommes, et la concurrence généralisée, qui est à l’origine des crises auxquelles le populisme est une réaction. La création du Marché unique européen, pour prendre l’exemple le plus développé par l’auteur, a pour résultat des transformations considérables des rapports sociaux à l’intérieur et entre les pays, en provoquant des dynamiques démographiques, industrielles et sociales qui bouleversent des sociétés où l’État-nation est parfois récent, comme en Europe de l’Est.

Libéralisation, désindustrialisation et crises identitaires : l’exemple européen

Dans le cas européen, il montre de façon très convaincante combien le marché unique a reproduit, à l’échelle d’un continent, la logique de concentration industrielle qui s’était jusque-là déroulée au sein des États. Comme le notait déjà Alfred Marshall en 1890, l’industrie tend à se concentrer géographiquement pour des raisons d’accès aux ressources, au transport, à l’emploi qualifié. Or, « l’Espace économique européen est loin d’être territorialement homogène » (49) : les régions industrielles historiquement puissantes, dotées d’accès aux grands ports internationaux et de main d’œuvre adaptée ont aspiré l’essentiel de l’activité industrielle. Cette dynamique de concentration a ainsi bénéficié à un cœur de l’Europe centré sur l’Allemagne, son arrière pays à l’Est (Pologne, Autriche, Slovaquie, Tchéquie, Hongrie), et la façade de la mer du Nord, qui dispose des quatre plus grands ports européens (Rotterdam, Anvers, Hambourg et Amsterdam). Elle a en revanche provoqué la désindustrialisation de nombreux pays « périphériques » comme le Royaume-Uni, le Portugal, la Finlande, la Roumanie, la France ou la Suède.

Cette rapide désindustrialisation des économies périphériques est l’explication cachée de la crise des dettes publiques européennes. En perdant leur infrastructure industrielle au cours de la période 2000-2011, les pays les plus éloignés du territoire allemand ont progressivement perdu des capacités d’exportation ; leurs déséquilibres extérieurs et leurs besoins de financement se sont accrus, leur dépendance financière vis-à-vis des pays du cœur aussi.

P&N, p.53

Aux États-Unis, le phénomène est inversé géographiquement : c’est le centre qui souffre de la désindustrialisation, tandis que les grandes villes côtières prospèrent.

aerial shot of a freighter with cargo containers
Porte-conteneurs, photo Fatih Turan.

À ces divergences économiques s’ajoutent en Europe de très importantes migrations internes permises et provoquées par le Marché unique, et qui touchent particulièrement les pays d’Europe de l’Est : « La Bulgarie a perdu 1,9 millions d’habitants depuis la fin du communisme, soit plus de 20% de sa population d’origine, essentiellement pour des raisons migratoires. De même, plus de 2 millions de Polonais et 3 millions de Roumains se sont exilés. » (40) Ces migrations ont pour effet de vider les pays de départ de leur population jeune et éduquée, et de mettre en concurrence dans les pays d’arrivée cette main d’œuvre moins exigeante avec les travailleurs locaux. Elles ont donc d’importants effets néfastes, et participent aux crises identitaires qui traversent de nombreux pays, particulièrement à l’Est où les populations restées sur place peuvent se sentir trahies par leurs élites attirées à l’Ouest. Ce sentiment de menace identitaire a été redoublé lorsque la crise des réfugiés a frappé ces pays déjà fragilisés en 2015, sous l’œil peu compréhensif des puissances occidentales.

L’impuissance politique organisée

Si l’UE est un si bon exemple, c’est que, comme David Cayla et Coralie Delaume l’ont montré dans leurs précédents ouvrages, elle réalise en son sein le projet néolibéral avec une détermination idéologique sans faille. Le projet européen a accouché d’institutions néolibérales qui corsètent la politique monétaire et industrielle des États, réduisant à l’impuissance les dirigeants politiques. Les règles de la « concurrence libre et non faussée » ont contraint les États à privatiser les entreprises sous contrôle public, les réseaux de transports et d’énergie, et bien d’autres services publics essentiels, pendant que les contraintes budgétaires imposaient l’austérité. La libre circulation des personnes permet au patronat d’exercer un dumping social qui oppose les travailleurs locaux à des étrangers détachés aux exigences salariales plus faibles, et celle des capitaux a permis à un certain nombre d’États de devenir des paradis fiscaux pratiquant le dumping fiscal, pour attirer les sièges sociaux des multinationales (l’Irlande, le Luxembourg…). La Banque centrale européenne, indépendante des États membres, a pour mandat de lutter contre l’inflation, y compris au prix du chômage de masse et d’une croissance atone, et propose un taux d’intérêt unique à des économies très différentes. La monnaie unique, enfin, interdit aux États de la zone euro de recourir à la dévaluation pour adapter le taux de change de leur monnaie aux besoins de leur économie. « La rigidité institutionnelle de la zone euro (…) a donc pour effet de renforcer les inégalités internes » et de faire diverger toujours plus des économies aux besoins très différents. (44)

Ce que le cas de l’UE illustre, c’est la façon dont le néolibéralisme appliqué a progressivement dépossédé depuis les années 80 les États de toute capacité d’intervention stratégique dans leur propre économie nationale, tout en renforçant les institutions juridiques (nationales ou supranationales) indispensables pour construire et faire fonctionner des marchés qui n’ont rien de naturel. Une véritable constitution économique supranationale contraint les États à mettre en œuvre, sous la houlette de dirigeants eux-mêmes convaincus, les quatre grandes politiques économiques néolibérales :

l’abandon du plein-emploi comme objectif politique souhaitable et son remplacement par un ciblage de l’inflation ; une intensification de la mondialisation des flux de personnes, de capitaux et de commerce ; l’accent mis, au niveau des entreprises, sur la maximisation de la valeur actionnariale plutôt que sur le réinvestissement et la croissance ; et la recherche de marchés du travail flexibles ainsi que la dissolution des syndicats et des organisations de travailleurs.

J Montier et P. Pilkington (2017), cité dans P&N, p.89

Constatant le refus et l’impuissance des dirigeants élus à mener une autre politique, les groupes sociaux ou les peuples souffrant du chômage, de la baisse de leur pouvoir d’achat, de la dégradation de leurs conditions de travail et de leurs services publics se tournent vers de nouvelles formes de lutte sociale, comme dans le cas des Gilets jaunes, mais aussi vers des figures charismatiques qui alimentent leur haine des « élites » et, souvent, des immigrés, et leur promettent de reprendre le contrôle et de sauver la société de la dissolution. Mais, incapables d’imaginer un monde libéré de cette puissance écrasante du marché que l’idéologie dominante les conduit à considérer comme naturelle, ils ne contestent pas le capitalisme qui est la cause de leurs maux (ni en général, ni sous sa forme actuelle), mais cherchent celui qui leur permettra de devenir des vainqueurs de la mondialisation.

Il ne faut donc pas s’étonner si leur réflexe est d’élire des chefs d’entreprise milliardaires. Car alors qu’elles ne souhaitent pas la disparition des marchés, les populations sont mues par l’espoir d’en prendre le contrôle. Le marché, devenu hégémonique, est une puissance sauvage et destructrice. Pour le remettre dans la cage d’où il s’est échappé, les électeurs ont besoin d’un dompteur. Or, c’est justement ce que l’entrepreneur représente dans l’imaginaire collectif. Donald Trump, l’auteur de L’Art de la négociation, ne craint pas le marché.

P&N, p. 96

D. Cayla ajoute à ce diagnostic économique une distinction intéressante, reprise de chercheurs français1Algan, Beasley Cohen et Foucault, dans Les origines du populisme, Seuil 2019., entre deux types de confiance, ou de défiance. Quand il y a seulement défiance envers les institutions en place, les mouvements populistes sont plutôt de gauche et réclament plus de justice sociale, sans forcément bien identifier les causes profondes du désordre (Gilets Jaunes, Occupy Wall Street…). Quand il y a défiance envers les institutions et les individus qui forment la classe « méritocratique » diplômée, considérés comme des traîtres en puissance prêts à faire sécession avec la nation, on obtient le populisme de droite, plus tenté de s’incarner dans un chef et de s’en prendre aux minorités.

Pour mettre fin à cette impuissance organisée du politique, il faut donc comprendre sa source, le courant néolibéral en économie devenu une idéologie dominante, cristallisée dans des pratiques du pouvoir et des institutions, mais dont les dogmes n’ont rien de lois nécessaires.

Manifestation des Gilets jaunes, photo P. Calatayu (CC BY-SA 2.0)

2. Aux sources du néolibéralisme

Dans son deuxième chapitre, David Cayla remonte des politiques ordinairement qualifiées de néolibérales à leurs sources intellectuelles, pour mettre au jour les spécificités d’un néolibéralisme trop souvent confondu avec un retour au « laisser faire » économique du XIXe siècle.

Les politiques néolibérales

On désigne communément comme « néolibérales » un ensemble de politiques économiques entreprises volontairement, à partir des années 1970, par des gouvernements comme celui de Pinochet au Chili, de Reagan aux USA ou de Thatcher au Royaume-Uni, ou imposées aux pays en développement par des institutions internationales comme le FMI, la Banque mondiale et l’OCDE. Les gouvernements de l’Union européenne, on l’a dit, se sont volontairement soumis à des institutions les contraignant au même type de politiques économiques, avec l’Acte unique (1986) et le traité de Maastricht (1992). Les « politiques d’ajustement structurelles » imposées en échange des financements du FMI et de la Banque mondiale sont si similaires d’un pays à l’autre que l’on a pu parler d’un « consensus de Washington » appliqué quelles que soient les spécificités du pays en question,

Si l’on en croit Williamson [ancien économiste en chef de la B.M.], le consensus de Washington se définit en dix points.

Les trois premiers concernent la politique budgétaire et fiscale. Les institutions de Washington exigent une discipline budgétaire et une baisse des déficits publics ; la fiscalité doit être réformée de manière à éviter des taux marginaux d’imposition trop lourds ou au contraire que ne se multiplient les exemptions ; les dépenses publiques doivent se focaliser sur ce qui favorise la croissance, l’éducation et l’investissement, ainsi que sur l’aide aux plus pauvres.

Les quatre points suivants portent sur la régulation financière et les échanges extérieurs : les taux d’intérêt et de change doivent être déterminés par les marchés financiers ; la circulation du capital doit être libéralisée, en particulier vis-à-vis des investissements étrangers ; le pays doit s’ouvrir au commerce extérieur en supprimant toute restriction quantitative et en imposant des droits de douane faibles et uniformes.

Les trois dernières mesures concernent les réformes structurelles et le rôle de l’État. Elles incluent la mise en œuvre d’un programme de privatisation, la suppression des réglementations qui entravent la concurrence et la sécurisation ainsi que le renforcement des droits de propriété.

P&N, p. 102-103

À ce consensus, il faut ajouter, explique D. Cayla, les réformes de « flexibilisation » du marché du travail, c’est-à-dire la lutte contre les syndicats (menée activement par Reagan et Thatcher) et plus généralement contre toutes les entraves institutionnelles et juridiques qui empêchent les salaires d’être purement et simplement ajustés par l’offre et la demande. S’y ajoutent les réformes de réduction des aides sociales, accusées de « désinciter » les chômeurs à retrouver de l’emploi (un dogme que rien n’a jamais confirmé, mais qui a la vie dure).

Ces politiques ont donc pour effet de détruire les modèles de protection sociale et de redistribution conquis par deux siècles de lutte sociale et obtenus souvent, en Occident, à la suite du traumatisme de deux guerres mondiales. Quant aux pays en développement soumis aux plans d’ajustement structurels, elles les ont ouverts en grands aux « investissements » étrangers, c’est-à-dire pour une large part au pillage néocolonial de leurs ressources : si leur croissance économique quantifiable a pu en bénéficier, c’est au prix de la transformation de beaucoup de ces pays en exportateurs massifs de leurs matières premières, impuissants à développer une industrie capable de les transformer sur place, et devant importer l’essentiel de leurs biens de consommation les plus essentiels – comme le montre l’actuel spectre de la crise alimentaire, liée entre autres à la spéculation financière sur le blé.

La grande similitude de ces politiques menées ou imposées sur tous les continents impose d’en rechercher la source, la conception de l’économie dont elles sont l’application. Cette source n’est pas, précise l’auteur, une idéologie néolibérale parfaitement unifiée et cohérente, et les politiques réelles ne sont jamais elles-mêmes l’application pure et parfaite de l’une ou l’autre version de cette doctrine. Mais cela ne doit surtout pas nous conduire à nier l’existence et l’influence considérable de ce « système structuré de croyances sur lequel s’appuie un ensemble varié de théories qui inspire les politiques néolibérales » (109).

Libéralisme classique, « laissez-faire » et néolibéralisme

Pour comprendre le néolibéralisme, il faut le distinguer du libéralisme classique du XVIIe et XVIIIe siècle, celui de Locke et d’Adam Smith, mais aussi du libéralisme du « laisser faire », « laisser passer » du XIXe siècle.

Tôlerie des forges d’Abainville, François Bonhommé (1838)

Le libéralisme classique tel qu’on le trouve notamment chez Adam Smith ne repose pas, contrairement aux caricatures, sur la foi dans l’auto-régulation des marchés et la non-intervention de l’État : comme le rappelle fort utilement David Cayla, Adam Smith est fidèle à l’idéal d’émancipation individuelle qui fait le coeur de la philosophie libérale, et à ce titre favorable à un niveau de salaires élevés pour tous et à la protection des salariés par l’État :

Tant que le marché est compatible avec l’idéal d’émancipation individuelle, Smith soutient que les interventions de l’État sont inutiles, voire nuisibles lorsque les réglementations proposées émanent de la classe des marchands et des manufacturiers, dont l’intérêt est de « tromper le public », prévient-il en conclusion du livre I [de la Richesse des nations]. Mais lorsque les rapports marchands sont inégaux et déséquilibrés, comme c’est manifestement le cas pour le marché du travail, Smith est tout à fait favorable à une intervention qui pourrait améliorer la situation des travailleurs. De manière générale, il soutient que l’intérêt des classes populaires est lié à l’intérêt de la société dans son ensemble. Aussi, l’objectif de l’économie politique ne peut se limiter à une simple protection de l’ordre marchand.

P&N, p.123

L’objectif de l’économie politique pour Smith est d’accroître à la fois la prospérité des individus et celle de l’État, de manière à ce que ce dernier puisse s’acquitter de ses missions de service public indispensable, comme l’éducation (qui est nécessaire, argument central, non pour préparer les travailleurs au marché du travail, mais au contraire parce que l’État doit compenser l’absence de développement intellectuel que génère la division du travail). Cette défense de l’intervention de l’État pour assurer les conditions sociales nécessaires à l’émancipation a été la source du développement d’un « nouveau libéralisme » ayant pour but la prospérité économique et le bonheur collectif, influencé par l’utilitarisme, et qui donnera lieu aux politiques économiques « progressistes » et keynésiennes comme le New Deal du liberal F. D. Roosevelt2Cette transformation du libéralisme, indispensable pour répondre à la question sociale et à l’émergence du socialisme, mais non exempte d’importantes limites notamment démocratiques, a participé à l’émergence des idées néolibérales, comme l’a très bien montré Catherine Audard, Qu’est-ce que le libéralisme ?, ch. IV, Gallimard 2009..

Mais il ne faut pas non plus confondre le néolibéralisme avec le libéralisme du « laisser faire » que l’on nomme parfois libéralisme manchestérien, qui s’épanouit à partir des années 1830 à partir des travaux de David Ricardo et du militantisme anglais en faveur de la dérégulation des échanges, et de la limitation aminima de la protection sociale3D. Cayla rappelle notamment que le travail des enfants de moins de 11 ans ne sera interdit qu’en 1893 en Angleterre, tandis que la journée de travail des femmes et des adolescents est fixée à 12h en 1844.. Le libéralisme manchestérien reprend des physiocrates français le principe du « laisser faire », « laisser passer », principe conservateur issu d’une conception du système économique comme soumis à un ordre naturel, voire divin. Il s’oppose donc à toute ingérence de l’État dans l’économie et la protection sociale.

Lewis Hine, Children Working at the Mills. Macon, Georgia, Jan. 1909.

L’histoire du XIXe et de la première moitié du XXe siècle le montrent : « l’autorégulation des marchés, le « laissez-faire » libéral de l’école de Manchester, était incompatible avec la vie sociale », écrit l’auteur, reprenant le diagnostic célèbre de Karl Polanyi dans La grande transformation. La foi dans l’autorégulation spontanée des marchés s’avère une utopie insoutenable, qui suscite de nouvelles réponses interventionnistes pour faire face à quatre grands problèmes : « l’émergence de firmes multinationales extrêmement puissantes », la capacité de l’offre à influencer voire créer la demande par la publicité, la désorganisation commerciale et monétaire après le choc de la Grande Guerre, et les mouvements de contestation suscités par la Révolution russe de 1917. Si les années de l’entre-deux-guerres voient s’affronter les réponses socialiste et fasciste à l’échec du libéralisme, elles ne représentent pour les néolibéraux comme Friedrich Hayek que les deux faces d’un même péril : la planification de l’économie, qui ne peut mener qu’au totalitarisme collectiviste.

La nébuleuse néolibérale a commencé de se former lors du « colloque Lippmann » organisé en France en 1938, autour de l’intellectuel Walter Lippmann, journaliste influent qui avait commencé à pointer du doigt avec force les faiblesses du « laissez-faire » doctrinaire. The Good Society de Lippmann et les débats nombreux du colloque ont donné l’impulsion au développement de ce qui est devenu le courant de pensée le plus influent politiquement de ces quarante dernières années, et qui s’organisera notamment dans la Société du Mont Pèlerin créée en 1947 par Hayek. Dès 1944, celui-ci dénonçait dans son ouvrage le plus célèbre, La route de la servitude, non seulement la planification socialiste ou fasciste, mais tous les programmes interventionnistes faisant de l’État un acteur de la reconstruction des économies en ruine une pente menant fatalement au totalitarisme. Le néolibéralisme n’a pourtant pas triomphé à la sortie de la guerre : c’est le système de capitalisme fortement régulé de Bretton Woods qui s’impose comme une « quatrième voie » permettant d’assurer la reconstruction des sociétés et d’un commerce mondial stable. Mais ce contrôle du capitalisme par des États pouvant recourir à un protectionnisme mesuré et agir comme stratèges impulsant de grands plans de reconstruction est contraire à toutes les convictions du néolibéralisme de Hayek, de l’école ordo-libérale allemande ou de l’école de Chicago, qui fourbiront leurs armes intellectuelles et développeront leurs réseaux d’influence politique jusqu’à s’imposer, dans les années 1970, comme la voie de recours face aux chocs pétroliers et aux limites des politiques de relance keynésiennes. Ce qui unit ces différentes écoles, c’est la confiance dans l’efficacité des marchés concurrentiels pour former les prix et allouer les ressources de manière optimale, associée à la conviction que les marchés ne sont pas donnés, mais qu’ils sont à construire : ils doivent être rendus possibles par un État de droit chargé d’organiser les conditions de la concurrence « libre et non faussée ».

La différence principale avec l’école de Manchester est que Hayek ne croit pas en l’existence d’un ordre naturel transcendant à la manière des physiocrates. L’ordre social, chez Hayek est artificiel et immanent dans le sens où il émane de la combinaison des interactions et des comportements individuels suscités par le système des prix. Cet ordre n’est possible que dans le cadre d’un fragile équilibre institutionnel, fruit d’un système juridique qu’il convient d’adapter aux transformations technologiques et aux éventuelles évolutions sociales. L’État doit donc être le protecteur le plus neutre possible de ce cadre dans lequel s’épanouissent les interactions marchandes, un arbitre plutôt qu’un spectateur passif et distant.

P&N, p. 173-174

La question que pose le néolibéralisme n’est donc pas : plus ou moins d’État ? Mais plutôt : quel rôle pour l’État ? Certainement pas d’intervenir dans l’économie par la planification ou des politiques de relance keynésiennes. « L’État doit, par le biais d’un cadre juridique approprié, façonner le marché – c’est-à-dire préciser les règles du jeu dans lesquelles les affaires sont menées », comme l’écrit l’ordolibéral allemand W. Eucken. Les travaux de Milton Friedman et de son école de Chicago (dont les tristement célèbres Chicago Boys furent les conseillers économiques de la dictature de Pinochet) achevèrent de substituer la concurrence à l’émancipation individuelle comme idéal du libéralisme, et justifièrent l’assimilation de l’une à l’autre en faisant du « capitalisme de concurrence » la condition nécessaire et le vecteur de la liberté politique – justifiant la libéralisation forcée des économies en développement par les institutions de Washington. L’école de Chicago, parfois considérée comme un ultralibéralisme à distinguer du néolibéralisme de Hayek4Cf. Catherine Audard, Qu’est-ce que le libéralisme ?, Gallimard 2009), se distingue par sa faible ouverture aux autres disciplines scientifiques, ou sa méthodologie ouvertement fondée sur des hypothèses irréalistes (dont le fameux homo oeconomicus), mais elle se rattache pleinement au néolibéralisme comme idéologie politique.

En résumé, le « système néolibéral » met l’État au service des marchés en faisant de la concurrence, non une « donnée de nature à respecter », mais « un objectif qui suppose, par conséquent, une politique indéfiniment active », selon les termes de Michel Foucault5Naissance de la biopolitique, cité dans P&N, p.181. Il fait de la loi elle-même un « objet économique », ce qui marque, dans les termes d’Alain Supiot, le passage du gouvernement à la gouvernance. Celle-ci ne recherche pas à établir la loi juste, « mais à « programmer » les individus pour qu’ils se comportent d’une manière économique et donc performante, en suivant pour cela les incitations produites par le système des prix de marché. » (182) C’est que le coeur de l’économie néolibérale n’est pas seulement la concurrence comme lieu de la performance individuelle, mais comme lieu où se créent les prix, qui fournissent la meilleure information dont peuvent disposer les agents. C’est pour garantir le fonctionnement de ce système de prix que l’État doit intervenir, pour « instaurer l’environnement social adéquat à la performance des marchés ».

3. En finir avec le néolibéralisme

Dans un troisième et dernier temps, David Cayla montre comment quarante ans de néolibéralisme ont transformé l’économie mondiale, et pourquoi il est urgent non de réparer le néolibéralisme, mais de rompre avec ses principes, à la fois faux et dangereux.

Mondialisation et désindustrialisation de l’Occident

Essentiellement, une gigantesque réorganisation de la division mondiale du travail qui a profité à une part de la population mondiale, mais dégradé le niveau de vie d’une autre part. C’est ce que résume un graphique devenu célèbre, la « courbe de l’éléphant » présentée en 2016 par l’économiste serbe Branko Milanović.

La « courbe de l’éléphant » de Branko Milanović (2016)

David Cayla résume ainsi les enseignements de ce graphe :

Si la mondialisation a bénéficié à la classe moyenne des pays en voie de développement (qui représente tout de même plus de la moitié de la population mondiale) et aux super-riches (qui n’en représentent qu’une toute petite fraction), elle a aussi engendré une forme de déclassement économique pour un gros quart de la population mondiale, notamment les classes populaires des pays riches. Ces populations ont pu avoir le double sentiment de se faire distancer par les riches de leur propre pays d’une part, et rattraper par les pauvres des pays lointains d’autre part. Un sentiment qui a pu nourrir un profond désarroi moral, capté par les populistes.

P&N, p. 198

La désindustrialisation de nombreux pays occidentaux au profit de l’Asie est à l’origine du déclassement subi par des pans entiers des populations de ces pays, et de l’aggravation de la fracture sociale dans les sociétés concernées. Les emplois industriels sont remplacés, quand ils le sont, par des emplois de service souvent peu qualifiés et beaucoup moins collectifs, peu propices à la mobilisation et au syndicalisme : livreurs, chauffeurs, vendeurs, employés des services d’aide à la personne… Comme le souligne David Cayla, la pandémie n’a fait qu’aggraver ces fractures, et alimenter le désir des déclassés de « reprendre le contrôle ». Ce désir se manifeste malheureusement souvent par le recours à des leaders populistes et par l’hostilité envers des populations souvent encore plus défavorisées : c’est ainsi que l’on peut voir s’affronter au États-Unis des ouvriers blancs touchés par la désindustrialisation ralliés à Trump, et des mouvements de défense des Noirs appartenant aux catégories sociales encore plus défavorisées, qui n’éprouvent même pas ce sentiment de perte de contrôle, car ils ne l’ont jamais eu. Ce ne sont pas tant les sociétés « libérales » qui sont en crise, explique D. Cayla, que les sociétés néolibérales, où la préservation des mécanismes institutionnels du marché s’impose aux gouvernants et, en les privant de tout pouvoir d’action véritable, affaiblit la démocratie.

De nombreux économistes en tirent la conclusion qu’il faut renforcer le pilier social du néolibéralisme, particulièrement après la pandémie de Covid-19 : système de santé universel, régulation du prix des médicaments, fiscalité progressive ou instauration d’un vrai revenu de base reviennent par exemple en grâce comme mécanismes compensateurs, susceptibles de garantir le minimum de justice et d’ordre dont le marché a besoin. David Cayla plaide au contraire pour l’invention d’un « nouveau modèle institutionnel fondé sur d’autres bases que celles qui supposent l’efficacité des marchés en concurrence ». (206)

Les vertus de l’égalité redécouvertes ?

L’auteur montre très bien comment le problème des inégalités économiques a dû être « redécouvert » par l’économie dominante et les institutions internationales à la suite de la crise de 2008. Dans les années 70, les inégalités diminuaient globalement. Dans les années 80 et 90, les politiques néolibérales inspirées par Milton Friedman reposaient sur l’enrichissement comme incitation, et, loin de vouloir lutter contre les inégalités, considéraient comme dangereuses les politiques de redistribution des revenus, qui auraient limité ces incitations à « l’efficacité économique ». Mais dans le courant des années 2000, et surtout à la suite de la crise des subprimes devenue crise internationale en 2008, et grâce à des travaux comme ceux de Thomas Piketty, même des fers de lance du néolibéralisme comme l’OCDE ou le FMI sont obligés d’admettre que le niveau atteint par les inégalités au sein des sociétés est un danger pour la paix sociale, et pour l’économie elle-même. Après avoir recommandé de manière systématique des politiques économiques fondées sur la croyance inverse, OCDE6Dans un rapport de 2015 intitulé Tous concernés : Pourquoi moins d’inégalités profite à tous, cité p. 216. et FMI7Dans une étude de 2014, « Redistribution, Inequality, and Growth, cité p. 216 : « la redistribution semble généralement bénigne dans son impact sur la croissance ; ce n’est que dans des cas extrêmes qu’il existe des preuves qu’elle peut avoir des effets négatifs directs sur la croissance ». reconnaissent dans des rapports qu’il existe une corrélation inverse entre inégalités et croissance économique. L’égalité est non seulement importante pour la santé sociale et politique des nations, mais également, contrairement à une croyance néolibérale fermement établie, elle est économiquement bénéfique et nécessaire.

En s’appuyant sur des travaux importants d’économistes, l’auteur montre comment le néolibéralisme produit au contraire des niveaux d’inégalité insoutenables. En organisant la mobilité du capital et des marchandises, et donc la concurrence généralisée entre les nations, le néolibéralisme fait des États non seulement des arbitres et garants du droit, selon ses principes, mais des acteurs centraux, inlassablement actifs pour attirer les capitaux dans leur pays en faisant baisser au maximum le coût du travail et la fiscalité des entreprises et des capitalistes – tout en faisant intervenir, devrait-on ajouter, la force policière pour rétablir sans ménagement l’ordre menacé par cette baisse forcée du niveau de vie et des conditions de travail, la hausse des inégalités et le caractère toujours moins progressif de la fiscalité. Le néolibéralisme implique un État qui ne cesse d’intervenir dans le champ économique, mais de façon anti-démocratique, pour détruire les modèles de protection sociale, la fiscalité progressive, les services publics et les conditions de travail au nom de la « loi du marché », présentée comme une nécessité naturelle.

Au contraire de cette prétendue loi naturelle, l’auteur montre à la suite de l’économiste Dani Rodrik que  » toutes les économies florissantes sont, en fait, mixtes8D. Rodrik (2018) cité dans P&N, p. 233« , et impliquent des formes de régulation politique des marchés et de protection face aux dangers du libre-échange. Les pays qui ont bénéficié de la mondialisation, comme la Chine ou le Vietnam, ont adopté des « stratégies hybrides » incluant barrières protectionnistes, subventions et réglementations, tandis que les pays qui s’appuient exclusivement sur le libre-échange, comme le Mexique, « ont dépéri ».

landscape, wall, china-4055549.jpg

Il est donc urgent, pour Rodrik comme pour D. Cayla, de « placer l’exigence de la démocratie au-dessus de celle du commerce international et des investissements » (235), au niveau national comme dans l’ordre du commerce international – dont la phase de dynamique libre-échangiste touche peut-être à sa fin, pour Rodrik. Il faut repenser non seulement l’articulation entre institutions politiques et marchés, mais aussi aller au-delà des politiques purement redistributives et fiscalistes, aussi radicales et intéressantes soient-elles, comme celles que proposent Saez et Zucman, ou Thomas Piketty. Ces politiques ne touchent pas en effet à la distribution primaire des revenus et du patrimoine, et raisonnent « de manière quantitative », « en faisant comme si un euro gagné avait la même saveur et la même signification quelle que soit son origine », qu’il vienne d’un salaire ou d’une allocation par exemple (241). De même, la composition du capital est complexe et n’est pas homogène : le capital n’est pas réductible à une quantité d’argent ou à des propriétés physiques (usines, stocks…), c’est avant tout un rapport social, comme l’avait compris Marx. « Autrement dit, reformule David Cayla, le capital est avant tout un rapport de force politique sur le marché et non une simple possession passive. » (243) Cette dimension politique manque aux solutions transnationales comme celles de Piketty, qui préconise un impôt mondial sur le capital : ne serait-il pas plus réaliste et plus simple de rétablir des frontières pour empêcher la libre circulation du capital ?

La racine du mal : une économie centrée sur le dogme de l’efficacité des marchés

Dans un exposé synthétique très clair, où l’on reconnaît les qualités pédagogiques de l’enseignant, David Cayla retrace pour finir la manière dont la science économique s’est progressivement centrée sur l’étude des marchés, au point que même les économistes critiques du néolibéralismes conservent souvent une confiance excessive dans l’efficacité des marchés et le rôle central qu’ils doivent jouer dans l’économie. Pourtant, montre-t-il, toutes les tentatives de cette même science économique pour démontrer cette efficacité spontanée des marchés à faire émerger une situation optimale d’allocation des ressources ont échoué, et on a même finalement démontré le contraire : les conditions d’une telle convergence vers l’optimum ne peuvent exister dans la réalité. Mais les économistes peinent à en tirer la conclusion qui s’impose, pour l’auteur : « l’État ne devrait pas agir simplement sur le cadre du marché, mais dans le cadre du marché » (272).

Comment l’économie soviétique de planification entièrement centralisée, qui n’était pas viable, a-t-elle survécu si longtemps ? « Le poids de l’idéologie est sans doute crucial », écrit l’auteur, et a poussé les Soviétiques à colmater inlassablement un système impossible à réformer. Il est temps d’admettre que le capitalisme néolibéral est en train de mourir de ses contradictions, au lieu de s’efforcer de le sauver par la même foi idéologique. Reprenant Galbraith, David Cayla rappelle que l’économie capitaliste elle-même est bien davantage planifiée (par les grandes entreprises elles-mêmes) qu’on ne le croit, et qu’une part de planification est sans doute nécessaire pour retrouver la capacité à construire de grands projets collectifs.

Populisme et néolibéralisme sont les deux faces d’une même médaille. Le néolibéralisme théorise un État impuissant à répondre au mécontentement social et uniquement concerné par la préservation de l’ordre du marché ; le populisme engendre en réaction un État autoritaire, obsédé par l’idée de de satisfaire les attentes immédiates des électeurs. Dans les deux cas, c’est la capacité de bâtir des projets collectifs cohérents et ambitieux qui manque.

P&N, p. 287

Dans les années 1960, la planification raisonnable a envoyé l’homme sur la Lune ; aujourd’hui, elle paraît plus que jamais nécessaire pour réaliser la bifurcation écologique radicale dont le dernier rapport du GIEC vient de rappeler l’urgence. De bonnes raisons de voter, ce dimanche, contre le néolibéralisme, contre les mirages populistes, et pour le candidat de l’économie mixte, de la planification écologique, de la fiscalité vraiment progressive, de la désobéissance tranquille aux règles néolibérales de l’Union européenne, et d’un grand chantier de refondation démocratique.

Hydrolienne. (Fundy, CC BY-SA 3.0)


0 commentaire

Laisser un commentaire

Avatar placeholder

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.